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EyckBlog - Journal des Riens
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23 janvier 2009

L'amour est partout

Dans la nef du Grand Palais ce soir, l'exposition "6 milliards d'autres", 5000 interviews dans 75 pays. Impossible de tout ingérer en aussi peu de temps. Curieux zapping. Alors, ne faire qu'une seule chose à la fois. S'attarder à voir et re-voir deux visages parmi 6 miliards d'autres, puis écrire pour ne pas oublier ce qui disparaîtra pour toujours..  Deux visages. Du Cambodge, évidemment. Si j'allais là-bas, est-ce que je reconnaîtrais chez les hommes cette expression de mon père que j'ai surprise, un mouvement de tête fugitif qui l'incarne soudainement. Du Cambodge, toujours. Une autre. Elle dit qu'elle ne peut pas pardonner les crimes des Khmers rouges mais qu'en fait elle a déjà pardonné, parce qu'il n'y a en face d'elle que le silence. Son mari a plus souffert qu'elle et lui, a pardonné. Contre quoi se battre ? Elle dit qu'on ne peut pas applaudir d'une main. Il en faut deux pour faire du bruit. Elle dit qu'il faut jeter le passé et garder le nouveau. Et je pense immédiatement qu'il est possible, j'aime l'idée qu'il soit possible que c'est cela que mon père a pensé. Et comment il a vécu. Profondément tolérant. 

Avant cela, un ami de ma soeur qui attend avec nous son petit copain qui doit nous rejoindre. Au moment où ils se trouvent, l'un qui embrasse l'autre sur le parvis et après qui se tiennent serrés l'un contre l'autre au moment d'entrer dans l'exposition.

Avant cela, une sombre nouvelle. On m'apprend qu'il doit reprendre son traitement. Encore trois mois, et ce sera dur. Je chancelle. Où trouver de la force ? J'appelle deux autres amis à qui il n'en a jamais parlé. Mais ils savent.  Et même, si ils n'avaient pas su... oui, oui, ils seront heureux de nous inviter à dîner.

Avant cela, elle est juste là, Maman, elle s'agite, elle secoue, elle nettoie, elle organise, elle range. Parce qu'elle s'inquiète, parce qu'elle s'angoisse. Elle dit parce que j'ai besoin de contrôler. Parce que tu as besoin d'être rassurée, j'ajoute. Elle dit aussi, j'ai toujours fui toutes les dépendances. Je reste dormir. Pour avoir des moments rien qu'avec elle. Mes moments de petit et grand garçon.

Avant cela, il me parle et je ne comprend rien. Parce que ce n'est pas le même langage. Le mien c'est celui de ce qui se passe dedans. A l'intérieur. Alors je l'y amène doucement. Parce que c'est ce qui m'intéresse. Et il parle alors, répondant à mes questions, de son jumeau et je lui parle du mien. Que voulait-il trouver en moi ? Que j'ai refusé de lui donner en le quittant, il y a près de dix ans. Il a fait sa vie ailleurs bien sûr, mais la dernière fois que nous nous sommes vu, après avoir parlé comme nous l'avons fait ce soir, il a déposé un baiser sur mes lèvres pour me dire aurevoir. Cette fois-ci, je ne voulais pas que ça recommence, alors j'ai juste passé ma main sur sa tête en le quittant. 

Avant cela, rendez-vous pour l'investiture d'Obama dans un bar, avec l'amie devenue américaine. Elle n'a pas toujours vécu à Chicago. Elle vivait à Paris, moi aussi. Nous vivions en face de l'autre. Et nous parlions la même langue, celle justement du questionnement. Des années après, elle me redit, comme si c'était hier, son urgence, son absolue nécessité. Et m'écris en dédicace de son dernier bouquin, "A ..., dont l'amitié et l'intelligence font autant de bien que les bons livres." Fierté.

Tout à l'heure, dans le métro, un couple d'asiatiques, elle dans un manteau orange, lui un sac plastique à la main, qui se penche sur sa bouche.

Six milliards d'autres et l'amour est partout.

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B
Et tout est illuminé.
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