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EyckBlog - Journal des Riens
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27 juillet 2004

Jeux d`eaux, jeu d`ego (1)

 

Disons les choses commes elles sont : j`ai rencontre il y a dix ans un garcon. Je ne connaissais pas le Vietnam, il en revenait ebloui. Francais, pour peu de temps encore a Paris, M. liquidait tout pour partir s`installer en Asie. Ensemble, cette histoire a ete courte, mais son echo a resonne tres longtemps. Une rencontre comme une deflagration, comme on en vit, je crois, une seule fois dans sa vie : sentiments de passion amoureuse inconnus jusqu`ici, auxquels ont succede assez tot l`eboulement, l`ecroulement, le temps de la depression, quand peu a peu son regard m`a quitte. J`ai entretenu pendant des annees, l`espoir d`un changement, d`un recommencement ravive par nos rendez-vous l`ete lors de ses allers-retours  en France pour les vacances. Et puis au bout de cinq ans, parce j`avais appris, parce que j`avais compris que cette dependance la prenait son origine dans toutes mes fragilites d`enfance, j`ai essaye d`arreter de me faire du mal. Je n`ai plus donne de nouvelles. Il y a deux ans, hasard improbable, incroyable, je suis tombe sur lui dans le metro. Au cours du diner qui a suivi, il m`a appris qu`il venait de rentrer, qu`il avait achete un appartement dans son ancien quartier. J`ecoutais le coeur battant. Il disait je, il disait nous, il n`etait pas seul. Dans l`avion avec lui, pour le suivre dans cette nouvelle installation, un jeune vietnamien dont il parlait avec affection. Apres tant d`annees, tant de resistances, M. aimait. Ce soir la, il m`a propose de me presenter son copain. J`ai dit oui, puis gentiment non, une autre fois peut-etre. C`etait il y a deux ans, je n`ai jamais rappele.

A plusieurs reprises, M. m`a parle du Vietnam, de ce qu`il vivait, comment il y travaillait, qui il rencontrait. Il disait ses difficultes, son attachement pour ce pays aussi. J`entendais sans entendre, j`entendais de plus en plus sourd me raconter tout ce qui m`eloignait de lui. Et j`ai fini par ne plus rien entendre du tout. Quand j`ai cesse de le voir, j`ai voulu ne plus jamais entendre de parler du Vietnam. Et puis, il y a eu cette occasion de voyage : maman qui voulait me faire connaitre le pays de mes origines. Faire taire le fantasme, cesser de fuir ? Peut etre, apres tant de temps, etait-ce possible maintenant ? Je ne savais pas, je me suis lance.

C`est un choc. Mon regard n`est pas neutre. Et il me semble decouvrir et voir le Vietnam a travers lui. Dans l`ambiance de la ville, ses couleurs et ses bruits, au detour d`un rien, je me rappelle de tout ce qu`il m`en disait. Je traverse hante, en me demandant si lui aussi a vu, goute, entendu, aime... et me pose la question de sa vie, sans moi, ici. Pour notre dernier soir a Hanoi, nous avons vu un spectacle de marionnettes aquatiques. Marionnette ? Il tire les fils, et je suis le jeu de l`absence, de la perte et des regrets. M. me manque comme jamais depuis longtemps. Et ce manque, ici, est une morsure qui me blesse inmanquablement.

Sur la plage d`Along, au loin la Baie, a la tombee de la nuit. Un groupe de jeunes s`amusent. L`un d`eux, silhouette dessinee et gracieuse, cheveux noirs, un peu longs, et le sourire d`un enfant. Je le regarde comme il m`a regarde. Il y a dix ans.

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